TROUBLES DE VOISINAGE

Introduction

En tant que voisins, nous devons être tolérants des inconvénients normaux du voisinage. Cependant, il vient un temps où un voisin viole nos droits et va au-delà des limites de la tolérance suivant la nature, la situation ou les usages auxquels l’un doit à l’autre, et ce, en vertu de l’article 976 du Code Civil du Québec.

Même si vous ne vous entendez pas avec votre voisin, il est toujours plus pratique de tenter de régler la dispute avec ce dernier de façon amicale.

Définition

Les tribunaux ont tenté d’éviter une interprétation trop large du concept de « voisins »[1]. Même si cela peut sembler évident pour certains, une proximité entre deux ou plusieurs fonds est nécessaire afin de qualifier la relation géographique de voisinage. À titre d’exemple, habiter la même rue ou le même cartier peuvent effectivement être des situations considérées comme du voisinage.

Ayant pour but de résoudre les problèmes surgissant des relations de voisinage, l’article 976 du Code Civil du Québec (ci-après « C.c.Q. ») dévoile un but précis découlant du principe qu’il ne faut pas faire subir aux autres les conséquences ou coûts des externalités produites par nos propres activités. Ayant comme point de départ la coexistence paisible et pacifique entre voisins, les tribunaux se sont longtemps demandé si un régime unique en soi avait été établi avec l’entrée en vigueur du C.c.Q. en 1994 et de son article 976, celui-ci allant comme suit :

« Les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n’excèdent pas les limites de la tolérance qu’ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leurs fonds, ou suivant les usages locaux. »

En 2008, la Cour suprême du Canada fait évoluer le droit commun québécois en reconnait l’existence d’un régime de responsabilité basé sur les inconvénients dits « anormaux ». En se prononçant sur l’ouverture au régime, le plus haut tribunal du pays clôt ainsi le débat sur les effets de l’article 976 du C.c.Q. en se prononçant en faveur d’une certaine limite au droit de propriété et sur :

« Malgré son caractère apparemment absolu, le droit de propriété comporte néanmoins des limites. Par exemple, l’art. 976 C.c.Q. établit une autre limite au droit de propriété lorsqu’il dispose que le propriétaire d’un fonds ne peut imposer à ses voisins de supporter des inconvénients anormaux ou excessifs. Cette limite encadre le résultat de l’acte accompli par le propriétaire plutôt que son comportement. Le droit civil québécois permet donc de reconnaître, en matière de troubles de voisinage, un régime de responsabilité sans faute fondé sur l’art. 976 C.c.Q., et ce, sans qu’il soit nécessaire de recourir à la notion d’abus de droit ou au régime général de la responsabilité civile. La reconnaissance de cette forme de responsabilité établit un juste équilibre entre les droits des propriétaires ou occupants de fonds voisins ».

Il convient aussi de spécifier que la disposition du Code Civile assujettit non seulement les propriétaires, mais aussi les locataires, toute personne jouissant d’un droit d’usage de l’immeuble ainsi que toute personne habitant avec le propriétaire[2].

S’est suivi de ces directives sommes toute très larges un développement judiciaire et doctrinal poussé cherchant à cerner les différents critères permettant aux tribunaux de trancher les cas de troubles de voisinages. La Cour d’appel du Québec a récemment réitéré la nécessité, afin de conclure à la présence d’un trouble de voisinage au sens de l’article 976 C.c.Q., de deux critères, soit la gravité et la récurrence dudit trouble[3].

Il convient premièrement de distinguer la faute régulière des inconvénients anormaux. Par exemple, un voisin vous menaçant et étant agressif à votre endroit peut être poursuivit en vertu du régime de responsabilité civile régulier, sous réserve de la preuve des éléments nécessaires pour emporter sa responsabilité.

L’avantage du régime de responsabilité issu de l’article 976 C.c.Q. réside dans le fait qu’il n’est pas nécessaire de prouver la faute d’un voisin, élément nécessaire à l’ouverture du régime de responsabilité civile régulier. Le fardeau de preuve s’en voit généralement allégé.

Critères pour évaluer les troubles de voisinage :

1) Récurrence

Il est aussi nécessaire, afin de conclure à la présence d’un trouble de voisinage au sens de l’article 976 C.c.Q., du caractère continu ou répétitif s’étalant sur une période suffisamment longue[4]. En effet, si le critère n’est pas rempli, force sera de constater qu’il s’agit en fait d’un incident isolé soumis au régime de responsabilité civile régulier. Il sera alors nécessaire pour le demandeur de prouver la faute de l’accusé.

2) Gravité

Apprécié par les tribunaux de façon subjective et en relation avec les autres critères, la gravité du trouble de voisinage est l’élément central qui permettra de déterminer si l’inconvénient subi est « normal » ou « anormal ». Renvoyant à l’idée d’un préjudice étant réel et sérieux, le critère de gravité nécessite une analyse in concreto des inconvénients en fonction de la nature des fonds au sein du litige, de leur situation, des usages locaux ainsi que du moment auxquels surviennent les inconvénients[5].

À titre d’exemple, ce qui sera considéré comme normal en milieu rural ne le sera peut-être pas en milieu urbain, d’où l’appréciation subjective. C’est le cas, par exemple, de certains bruits commençant tôt le matin et de certaines odeurs reliées à l’agriculture. Ceux-ci, même s’ils peuvent être dérangeants pour certains, entrent dans le cadre normal des choses dans un milieu rural et sont très souvent considérés comme prévisibles et tolérables.

De plus, il est nécessaire de considérer l’inconvénient subi de façon objective afin d’évaluer si une personne raisonnable et placée dans les mêmes circonstances aurait trouvé la situation intolérable[6].

Il importe de rappeler qu’un seuil a été établi par la législation. En effet, tout trouble n’est pas considéré comme un inconvénient sujet au régime de responsabilité établi par l’article 976 C.c.Q. Les inconvénients n’excédant pas les limites de la tolérance raisonnable devront être… tolérés!

Exemples fréquents de troubles de voisinages

Une situation qui arrive fréquemment au cours d’une relation entre voisins porte sur une dispute de la ligne délimitant la propriété, lorsque la borne originale a soit disparue, soit a été déplacée, soit est incertaine ou n’existe tout simplement pas.

L’article 978 C.c.Q. énonce ce qui suit:

« Tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës pour établir les bornes, rétablir des bornes déplacées ou disparues, reconnaitre d’anciennes bornes ou rectifier la ligne séparative de leurs fonds. »

À d’autres occasions, un voisin transgresser la ligne de borne, engendrant de ce fait la cause initiale du litige puisque vous subissez un préjudice irréparable.

Des exemples fréquents de litiges entre voisins sont les troubles liés au bruit, les arbres, surplomb d’objets le terrain, des vus illégales, des droits de passages, des servitudes, des clôtures communes sur la ligne de borne, de l’eau qui coule sur votre propriété, des rénovations sur la propriété ainsi que des lignes de borne.

Cas jurisprudentiels d’inconvénients tolérables

  • La fumée causée par une chaudière alimentée au bois alors que la quantité de fumée n’est pas déraisonnable[7].
  • Les troubles découlant d’odeurs et de bruits considérés comme étant dans la moyenne d’une municipalité rurale où l’on retrouve une certaine exploitation agricole[8].
  • Le fait d’être agacé par des spectacles ponctuels présentés en plein air à des heures raisonnables en période estivale[9].
  • La musique, les bruits de freinage et de démarrage d’automobiles, les claquements de portières, ainsi que les odeurs provenant d’un compacteur à déchets pour les voisins d’un centre commercial[10].
  • La pollution sonore causée par les ventilateurs de silos à grains en milieu rural, alors que la pratique répond aux standards de l’industrie et que les agriculteurs ont collaboré afin de tenter de réduire le bruit suite aux demandes du plaignant[11].
  • Les troubles causés par de la poussière de bauxite et de charbon sur un terrain avoisinant un port, considérant la vocation industrielle de la zone en question[12].
  • Les troubles causés par des odeurs de graisse, du bruit et des vapeurs émanant d’un casse-croute voisin, alors que les demandeurs ont eux-mêmes construit et exploité auparavant et que le cartier est un « secteur commercial à assez haute densité de circulation[13]».
  • Le fait, pour le voisin d’un terrain de golf, de recevoir des balles de golf si une pénalité est prévue pour les golfeurs qui visent une maison et s’il n’est pas prouvé que l’emplacement d’un trou ou la configuration d’un parcours affecte substantiellement le nombre de balles reçues sur le terrain privé.
  • Les bruits d’un champ de tir à 150m d’un immeuble résidentiel, alors que la propriétaire a acheté celui-ci en toute connaissance de cause[14].

Cas jurisprudentiels d’inconvénients intolérables

  • Le fait, pour le voisin d’un terrain de golf, de recevoir des balles de nombreuses balles de golf si la configuration du parcours est la cause du nombre inhabituel de balles reçues[15].
  • Le fait, pour le voisin d’un terrain de golf, de recevoir une balle de golf qui endommage un bien comme une vitre[16].
  • La présence d’un nombre considérable d’excréments d’oiseaux causé par la voisine qui cherche à attirer les bêtes chez elle[17].
  • D’intenses bruits causés par une piste de motoneiges à proximité d’un immeuble résidentiel[18].
  • Le bruit d’une thermopompe réveillant des enfants et forçant les voisins à fermer leurs portes et fenêtres[19].
  • Le délabrement causé par l’abandon d’une propriété et affectant le voisin dont l’immeuble est jumelé[20].
  • La présence répétée sur son terrain d’un chien qui cause des ennuis de façon récurrente[21].
  • L’éclairage provenant d’un terrain voisin et nuisant au sommeil durant la nuit[22].

Étapes en cas de litige

Si votre voisin n’adhère pas à votre position, la première étape est donc d’envoyer une mise en demeure exigeant que votre voisin se conforme à vos demandes, qui peuvent inclurent, sans pour autant y être limité, à : réparer la dispute en question ou obtenir une compensation du voisin suite au défaut de se conformer à vos demandes.

Conséquemment, si votre voisin ne se conforme pas à vos exigences ou est en défaut, vous pouvez saisir le tribunal via une action civil en demandant la sauvegarde vos droits ou obtenir une injonction obligeant votre voisin à cesser l’action qui a engendré le trouble de voisinage, ou encore enjoindre ce dernier à réparer le problème de façon urgente.

Dans l’éventualité que le trouble de voisinage n’est pas une situation urgente, vous pouvez déposer, devant la cour, une réclamation en dommages afin de réclamer un montant compensatoire pour le préjudice subis en raison du non-respect de la loi et de la non-conformité de votre voisin.

Conclusion

N’oublions pas que celui ou celle qui veut faire valoir un droit doit en faire la preuve. Il est donc important, dans l’optique ou vous vivez une situation qui vous semble intolérable et qui est due à votre voisinage, de bien vous faire représenter afin de choisir la solution adéquate selon votre situation.

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Le processus présenté ci-dessus ne constitue qu’un outil de référence et ne comporte aucune garantie relative à votre dossier. Nous vous recommandons fortement de recourir aux conseils juridiques d’un avocat, membre en règle du Barreau du Québec. Les particularités propres à chaque cas d’espèce doivent faire l’objet d’une analyse exhaustive puisque le processus peut s’avérer complexe et techniquement difficile.

[1] Ouimette c. Canada (Procureur général), 2002 CanLII 30452 (QC CA), par.106

[2]  Terrana c. Piunno, (C.S., 2014-07-09), 2014 QCCS 3295

[3] Plantons A et P inc. c. Delage, 2015 QCCA 7 (CanLII), par. 81 et Vidéotron, s.e.n.c. c. Titus, 2016 QCCS 4202 (CanLII), par. 27 ss.

[4] Plantons A et P inc. c. Delage, 2015 QCCA 7 (CanLII), par. 81

[5] Gagné, Michel. « Les recours pour troubles de voisinage : les véritables enjeux », dans S.F.P.B.Q., Développements récents en droit de l’environnement (2004), Cowansville, Éditions Yvon Blais, p.69

[6] Entreprises Auberge du parc ltée c. Site historique du Banc-de-pêche de Paspébiac, 2009 QCCA 257

[7] Coulombe c. Ferme Érital, s.e.n.c., 2015 QCCA 6

[8] Lavoie-Thibaudeau c. Côté* (C.A., 1989-03-16), SOQUIJ AZ-89011430, J.E. 89-677

[9] Entreprises Auberge du parc ltée c. Site historique du Banc-de-pêche de Paspébiac, (C.A., 2009-02-09), 2009 QCCA 257

[10] Veilleux c. Fiduciaires du Fonds de placement immobilier Cominar, (C.S., 2001-12-10), SOQUIJ AZ-50108138

[11] Lavoie-Thibaudeau c. Côté, 1989 CanLII 546 (QC CA)

[12] Girard c Saguenay Terminals Limited, 1973 CanLII 1005 (QC CQ)

[13] Gagnon c. Caron, 1997 CanLII 8350 (QC CS)

[14]Lefebvre c. Granby Multi-Sports, 2016 QCCA 1547 (CanLII)

[15]Tremblay c. Club de golf Dolbeau-Mistassini (C.Q., 2009-08-20), 2009 QCCQ 8055

[16] Proietti c. Magnan (C.Q., 1993-10-15), SOQUIJ AZ-93035058, [1993] R.R.A. 852

[17] Descoteaux c. Cloutier (C.Q., 2006-02-17), 2006 QCCQ 1087

[18] Lapointe c. Lac-Sergent (Ville de), 2010 QCCS 4425

[19] Daigle c. Caron, 2006 QCCS 2605

[20]  Fortier c. Laroche, (C.S., 2003-02-03), SOQUIJ AZ-50160769

[21]  Fleurant c. Deraspe, (C.S., 2001-10-26), SOQUIJ AZ-50103389

[22] Dufour c. Parent, (C.Q., 2003-09-24), SOQUIJ AZ-50194030

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