Qu‘arrive-t-il aux contrats forfaitaires si le prix du coût des matériaux augmente ?

 In Général

Pandémie dû à la COVID-19: Qu‘arrive-t-il aux contrats forfaitaires si le prix du coût des matériaux augmente ?

 

La pandémie a bouleversé tous les secteurs industriels et n’a certainement pas épargné le secteur de la construction résidentielle du Québec.

 

Entrepreneurs et clients ont été confronté à leurs propres problèmes: le besoin criant de matériaux de construction et la flambée des prix de ces derniers.

 

D’un point de vue juridique, que se passe-t-il quand le contrat entre les parties fixe de façon invariable un prix, alors que le prix des matériaux de construction augmente en cours de route ?

 

Définition d’un contrat forfaitaire

Un contrat forfaitaire est un type de contrat commercial ou de service en vertu duquel le client doit payer le prix convenu après que l’entrepreneur a accepté d’exécuter un travail selon des plans et devis précis.[1] C’est l’entrepreneur qui fournit toute la main-d’œuvre et assume les risques des coûts des travaux supplémentaires prévisibles, à moins qu’il ne soit démontré que les informations contenues dans les plans et devis étaient déficientes ou erronées.[2]

Ainsi, si le travail ou le service coûte moins cher que ce qui avait été prévu dans le contrat, le client ne peut réclamer une réduction du prix.[3] Inversement, l’entrepreneur n’a pas le droit d’augmenter le prix si le travail est plus cher que ce qui a été spécifié dans le contrat.[4]

 

En résumé, généralement, les obligations des parties sont gravées dans la pierre à moins que les deux parties ne s’entendent mutuellement pour les modifier.

 

Un contrat forfaitaire peut être absolu ou relatif. Un contrat forfaitaire absolu ne contient aucune clause rendant possible la modification des plans et devis du contrat de manière à modifier le coût des travaux. [5]

 

Au contraire, un contrat forfaitaire relatif contient des clauses rendant possible la modification des plans et devis tout en se réservant le droit de modifier le prix pour tenir compte des cas de force majeure ou de circonstances imprévues.[6]

 

 

 

La force majeure est un évènement imprévisible pour toute personne raisonnablement prudente et diligente, placée dans les mêmes circonstances que le débiteur (le client) qui contracte avec l’entrepreneur.[7] De plus, cette personne raisonnable ne peut elle-même résister à cet évènement, ce qui rend alors impossible l’exécution de toute obligation de sa part. [8]

 

Bien entendue, dans le cas de travaux supplémentaires exclus du contrat, c’est à l’entrepreneur qui les réclames de prouver que l’omission d’exclure ces derniers est une faute imputable au client.[9]

 

Certains contrats forfaitaires comportent déjà des clauses permettant une augmentation des prix.

 

L’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) a fourni sur son site internet des modèles de clauses qui tiennent compte de l’augmentation des prix et coûts.[10]

 

Ces clauses fournissent la possibilité de modifier les prix fixés à condition de justifier l’augmentation par des pièces justificatives. Par conséquent, le client a quinze (15) jours pour signer le nouveau document modifié acceptant l’augmentation du prix, à défaut de quoi le contrat pourra être annulé et résolu.

 

  • Précédemment à la pandémie de COVID-19

 

Comment les tribunaux du Québec traitaient de la notion de force majeure (circonstances imprévues) avant la pandémie?

 

Les entrepreneurs ont essayé en vain d’invoquer la notion de force majeure afin d’être libéré des contrats et récupérer les pertes subies dû à l’augmentation des prix.

 

La Cour Supérieur[11] a refusé d’admettre aux entreprises de déneigement les sommes perdus dû à l’augmentation imprévue du prix du l’essence diesel compte tenu de la situation générale du marché, car cela n’était pas considéré comme un cas de force majeure.

 

Étant donné que le contrat fait force de loi entre les parties, les tribunaux révisent très rarement les contrats quand la force majeure ou des circonstances imprévues surviennent, a de très rares exceptions près.[12]

 

Néanmoins, si les termes du contrat sont généraux, vagues, ou ambiguës et de nature à interprétation, les tribunaux auront la possibilité d’interpréter le contrat soit en faveur du débiteur soit du créancier.

 

  • Pendant la pandémie de COVID-19

 

Pendant la pandémie de COVID-19, le prix des matériaux de construction a dramatiquement augmenté au point où il n’était plus rentable ou viable de continuer la création de contrats forfaitaires.

 

C’est pour cette raison spécifique que les entrepreneurs ont commencés à inclure des avenants ou des modifications à leur contrats forfaitaires afin d’inclure un pourcentage (%) d’augmentation des prix en fonction des matériaux de constructions comme le bois.

 

Dès lors, les entrepreneurs ont demandé aux acheteurs de signer de nouveaux avenants aux contrats qui prévoyaient une augmentation des prix de 5% à 35% en raison de l’augmentation des coûts des matériaux.

 

Beaucoup d’acheteurs ont décidé d’annuler leur contrat, ne pouvant payer cette hausse de prix.

 

D’autres ont décidé de renégocier l’augmentation du prix concluant que cette hausse était trop importante ou qu’il manquait de documents justifiant cette augmentation.

 

Il reste à voir comment les tribunaux vont interpréter les contrats forfaitaires et si une telle augmentation de prix sera considérée valide au regard d’un cas de force majeure ou sur la base de la modification de contrat.

 

  • Après la pandémie de COVID-19

 

Les tribunaux devront déterminer après la pandémie de COVID-19 de la justification d’une augmentation de prix dans les contrats forfaitaires.

 

Les questions déterminantes sont:

 

  1. Comment les tribunaux vont déterminer une augmentation justifiée du prix lorsque les termes du contrat sont vagues et ambigus?

 

  1. Sur quels critères une augmentation peut-elle être justifiée et à quel point chaque paramètre influence la facture finale lors de la construction d’une maison?

 

  1. Est-ce qu’une augmentation de 5% du prix peut être justifiée lorsque la moitié de la maison a été construite avant la pandémie et l’autre moitié construite pendant la pandémie?

 

  1. Pour quelle raison l’acheteur devrait subir l’augmentation du prix alors que celui-ci a été fixé préalablement?

 

Nombre de ces questions persistantes doivent encore être tranchées par les tribunaux pour nous éclairer sur la question de savoir si les circonstances imprévues de force majeure de la pandémie favoriseraient les entrepreneurs ou les acheteurs dans un contrat forfaitaire lorsque les termes et conditions de l’augmentation du prix sont vagues et ambigus et sujets à interprétation.

 

D’autres questions purement juridiques subsistent:

 

  1. Est-ce que les tribunaux pourraient élargir la portée extrêmement limitée de la doctrine sur les circonstances imprévues ou sur la force majeure pour inclure la pandémie comme une raison de renégocier un contrat?

 

  1. Est-ce qu’une demande fondée sur un cas de force majeure en raison de la pandémie pourrait aboutir?

 

Dans la plupart des cas, je suis amené à penser que le contrat forfaitaire sera interprété en faveur de la personne qui a contracté l’obligation[13] et contre la personne qui l’a stipulé, tout en étant sujet au respect de la règle de la bonne foi.

 

L’issue de cette affaire reste encore à être déterminée et chaque cas est unique et sera définie par les faits et circonstances de l’affaire en question.

 

Pour prendre un rendez-vous pour une consultation avec un avocat, veuillez consulter

https://schneiderlegal.com/fr/rencontrez-un-avocat/

 

Le processus présenté ci-dessus ne constitue qu’un outil de référence et ne comporte aucune garantie relative à votre dossier. Nous vous recommandons fortement de recourir aux conseils juridiques d’un avocat, membre en règle du Barreau du Québec. Les particularités propres à chaque cas d’espèce doivent faire l’objet d’une analyse exhaustive puisque le processus peut s’avérer complexe et techniquement difficile.

 

 

 

[1] Jacques DESLAURIERS, Vente, louage, contrat d’entreprise ou de service, 2e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2013, par. 2131.

[2] Coffrage Yvon Constant inc. c. Coffrage Idéal (1995) inc., (C.Q., 2000-09-21), SOQUIJ AZ-50078747.

[3] Article 2109, CcQ-1991 – Code civil du Québec.

[4] Id.

[5] Préc., note 1, par. 2132.

[6] Id.

[7] Vincent KARIM, Les Obligations, vol. 1, 4e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2015, par. 3226

[8] Id.

[9] Société de cogeneration de St-Félicien, société en commandite/St-Félicien Cogeneration Limited Partnership c. Industries Falmec Inc., 2005 QCCA 441, par. 28, 56, 99.

[10] https://www.apchq.com/actualites/prix-des-materiaux-de-construction-clauses-contractuelles

[11] Transport Rosemont inc. c. Montréal (Ville de), 2008 QCCS 5507.

[12] Churchill Falls (Labrador) Corporation Ltd. c. Hydro-Québec, 2018 CSC 46.

[13] Article 1432, CcQ-1991 – Code civil du Québec.

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