Quels sont les critères de validité d’une donation?

La donation est le contrat par lequel une personne, le donateur, transfère la propriété d’un bien à titre gratuit à une autre personne, le donataire; le transfert peut aussi porter sur un démembrement du droit de propriété ou sur tout autre droit dont on est titulaire.

La donation peut être faite entre vifs ou à cause de mort.[1]

La donation requiert la présence de deux éléments: l’élément matériel et l’élément psychologique.[2] Celui qui prétend qu’un acte juridique est une donation a le fardeau de le prouver.[3] La donation ne se présume jamais.[4]

Alors quels sont les critères à prouver afin de pouvoir se prévaloir d’une donation?

C’est l’article 1824 du Code civil du Québec qui nous indique la marche à suivre[5]:

La donation d’un bien meuble ou immeuble s’effectue, à peine de nullité absolue, par acte notarié en minute; elle doit être publiée.

Il est fait exception à ces règles lorsque, s’agissant de la donation d’un bien meuble, le consentement des parties s’accompagne de la délivrance et de la possession immédiate du bien.

La règle générale est énoncée au premier paragraphe de l’article 1824 C.c.Q. En effet, la loi prévoit que pour être valide, une donation doit être notariée et publiée, sous peine de nullité absolue. Cette règle s’applique par défaut à tous les biens meubles et immeubles.

Cependant, le deuxième paragraphe de l’article 1824 C.c.Q. prévoit une exception. L’exception ne peut s’appliquer qu’en présence de la donation d’un bien meuble, à condition que des consentements réciproques du donateur et du donataire s’accompagnent de délivrance et de possession immédiate du bien. C’est ce que les auteurs décrivent et commentent sous le vocable de « don manuel »[6].

La source de cette analyse provient de l’arrêt Spina c. Sauro dans lequel de juge LeBel écrivait:

Dans le cas d’un don manuel, contrat réel, l’élément intentionnel, la volonté de donner, […], doit se doubler d’un élément matériel nécessaire à la formation même du contrat de donation, soit le dessaisissement et la remise effectifs:

[…]

La solennité requise des donations en droit commun répond à une double préoccupation. Elle tend d’une part à protéger le disposant lui-même contre sa propre vulnérabilité. Elle vise d’autre part à soustraire le patrimoine familial aux excès d’une générosité aiguisée par le consensualisme. La force de ces motivations aurait dû, en pure logique, commander l’invalidité des dons manuels. Mais le poids de la tradition aidant, la jurisprudence a en reconnu et affirmé l’efficacité. À une condition fondamentale toutefois : qu’une remise effective de la chose donnée soit faite au bénéficiaire personnellement ou à un tiers pour son compte. Substitut de l’acte notarié, la dépossession réelle du donateur est tenue pour un élément constitutif essentiel du don manuel. C’est qu’en effet, seule la considération de ce dépouillement est de nature à préserver le disposant et sa famille du risque d’entraînements irréfléchis. Ainsi promue au rang d’une exigence majeure, la tradition réelle limite nécessairement le domaine matériel d’application du don manuel.[7]

Ce qu’on peut retenir de cette analyse est qu’un don manuel, pour être valide, doit comporter le concours des volontés de donner et de recevoir joint à la tradition du bien transmis. La tradition du bien transmis veut essentiellement dire qu’il y a transmission immédiate ou « en mains propres ».

Voyons quelques exemples afin de simplifier le tout.

La personne qui donne 20$ en papier à son frère de main à main est probablement l’exemple le plus simple d’un don manuel valide. En effet, le donateur a l’intention de s’en dessaisir de façon définitive et irrévocable, le donataire a l’intention de recevoir le 20$ et la transmission du bien se fait immédiatement et sans obstacle.

Dans un cas différent, Rita s’occupe de sa sœur malade Yvette. Yvette est encore lucide, mais demeure à l’hôpital. C’est donc Rita qui s’occupe des affaires de sa sœur. La contestation dans le cas présent se faisait au niveau d’une donation de 5 000$ qu’Yvette a fait à sa sœur avant son décès. Yvette lui aurait dit: Prends 5 000$ pour toi-même puisque tu t’es si bien occupée de moi. Les héritiers contestent cette donation au motif qu’il n’y a pas eu délivrance immédiate du bien. Malgré le fait que Rita avait accès aux comptes de banque de sa sœur et malgré l’intention (probablement) réelle d’Yvette de lui remettre la somme, la Cour a jugé que le critère de transmission immédiate et sans obstacle n’a pas été rencontré et a donc invalidé la donation. Le juge soutient que pour réaliser cette condition, il eut fallu que madame Yvette ait en main 5 000$ et qu’elle les donne à Rita[8].

Dans un autre cas, le liquidateur attaque une donation effectuée par son défunt père avant sa mort. On parle d’un don de 18 000$. La femme du défunt, alors munie d’une procuration bancaire, s’est transférée à elle-même la somme de 18 000$ suite aux indications de son mari. Ici, personne ne met en doute l’intention du défunt, ni sa capacité. Cependant, la donation est tributaire de sa forme. Ici, la délivrance ne respecte pas les conditions du don manuel en ce qui a trait à la délivrance et le don a été frappé de nullité en première instance[9]. Cependant, ce jugement a été renversé en appel et le don a été jugé acceptable. Le juge Gendreau souligne certains points importants[10]:

Mais cette délivrance peut-elle être faite par mandataire et, dans l’affirmative, ce mandataire peut-il aussi être le donataire?  À mon avis, rien ne s’oppose à ce que le donateur mandate un tiers pour livrer le bien mobilier, objet de la donation.  Il n’est pas non plus, en principe, prohibé que le mandataire devienne, comme ici, le bénéficiaire de l’acte du mandat et pose, au nom du donateur, le geste qui constitue la dépossession du bien meuble à lui donné (Pierre Ciotola, La Tradition, condition d’existence du don manuel, (1975) 78 R. du N. 2, p. 23).  Cela n’est pas interdit par la loi ni contraire à l’ordre public.  Le mandat, dans ce cas, a un objet, une cause ou considération licite et sa validité repose sur la preuve du consentement et de la capacité de le donner; à cet égard, si je reconnais qu’en pratique l’on doit apporter un soin particulier à l’examen de la qualité de la volonté exprimée et l’étendue du mandat, il n’en reste pas moins que si ces conditions sont acquises, le mandat est valide quel que soit le bénéficiaire de la délivrance du bien donné.

On peut donc affirmer que la question n’a pas toujours été très claire pour les tribunaux et que le débat est légitime.

En résumé, pour se prévaloir d’un don manuel, le donataire devra faire la preuve par prépondérance des éléments suivants:

  1. L’intention de donner (ne peut être présumée et doit découler, à tout le moins, de faits suffisamment précis et concordants pour en établir la présomption);
  2. L’intention de recevoir;
  3. La tradition
    1. Le dépouillement, la dépossession ou encore le déssaisissement;
    2. Succède la remise, la livraison ou la délivrance du bien;
  4. Le don porte sur un bien meuble.

 

[1] Art. 1806 C.c.Q.

[2] Martin c. Dupont, 2016 QCCA 475

[3] Ibid

[4] Évrard c. Lefrançois, 2001 CanLII 32780 (QC CA)

[5] Art. 1824 C.c.Q.

[6] Paré c. Paré (Succession de) 2014 QCCA 1138

[7] Spina c. Sauro, 1990 CanLII 3236 (QC CA)

[8] Bilodeau (Succession de), 2006 QCCQ 16846

[9] Beaudoin c. Senéchal-Charbonneau, J.E. 89-1074

[10] Senéchal-Charbonneau c. Beaudoin, J.E. 96-707

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