Le phénomène Airbnb

Le phénomène Airbnb, la « sous-location de loyer » et le Projet de loi n°67 – Loi visant principalement à améliorer l’encadrement de l’hébergement touristique et à définir une nouvelle gouvernance en ce qui a trait à la promotion internationale

A.  Introduction

Airbnb est une plateforme de location de logements œuvrant par le biais de son site Internet du même nom. Depuis sa création en 2008, ce service s’est avéré très populaire auprès de sa clientèle de sorte que, de nos jours, Airbnb est une entreprise ciblant une projection approximative de vingt milliards de dollars[1]. Ainsi, comme service novateur qui offre une alternative appétissante comparée à ce qui est présentement offert par le secteur hôtelier[2], il va de soi que sa popularité auprès des touristes a soulevé une série de questions méritant l’établissement d’un cadre réglementaire s’appliquant à l’hébergement touristique.

Afin de pallier l’absence d’un cadre réglementaire/législatif, l’Assemblée nationale du Québec avait entrepris la rédaction du projet de loi no67 – Loi visant principalement à améliorer l’encadrement de l’hébergement touristique et à définir une nouvelle gouvernance en ce qui a trait à la promotion internationale (ci-après désignée comme « Loi Airbnb »). Tel qu’il appert de son nom, cette nouvelle loi, qui est entrée en vigueur le 15 avril 2016, vise la modification de deux (2) lois existantes :

1) Loi sur les établissements d’hébergement touristique (chapitre E-14.2) (ci-après désignée comme « Loi»); et

2) Loi sur le ministère du Tourisme (chapitre M-31.2).

Dorénavant, une transaction effectuée sur le site de Airbnb sera assujettie au cadre juridique établi cette loi. De ce fait, la mise en place de la Loi Airbnb est chaleureusement accueillie par les locateurs et/ou propriétaires québécois qui pourront mieux se défendre contre d’éventuelles situations litigieuses.

Un exemple d’une telle situation est celui du locateur d’un condominium qui reçoit des plaintes de bruit de ses voisins perturbés par la présence de touristes, soit les sous-locataires ayant effectué une transaction sur Airbnb. À son insu, l’hôte a sous-loué l’unité de son locateur à des touristes. Quoique le locateur ne fasse pas originalement partie du lien contractuel entre son locataire et les sous-locataires touristes, sa responsabilité est désormais engagée en tant que locateur et/ou propriétaire de l’unité.

L’article présent vise à dresser l’état du droit québécois concernant les contrats de location conclus sur des plateformes de type Airbnb. Puisque le recours à la location Airbnb a pris de l’ampleur ces dernières années, ce phénomène mondial a engendré des développements récents dans le monde juridique, et de ce fait mérite une étude plus approfondie.

B.  Historique

1. Les enjeux pour l’industrie hôtelière avant l’entrée en vigueur de la Loi Airbnb

i) L’aspect fiscal

Au Québec, les sites web qui offrent un service similaire à celui de Airbnb causent une controverse puisque l’industrie hôtelière et touristique perçoit ce service comme de la concurrence déloyale. Cette iniquité fiscale s’explique du fait que, « contrairement aux gîtes et Bed & Breakfast autorisés, ils ne versent généralement pas d’impôts ni de taxes découlant de l’offre de ce service »[3].

Selon l’article 541.24 de la Loi sur la taxe de vente du Québec, un établissement d’hébergement doit percevoir une taxe spéciale d’hébergement par nuitée pour chaque unité. D’autant plus, cette taxe varie selon la catégorie de la région touristique. Brièvement, selon la région touristique et les modalités de fourniture de l’unité d’hébergement, le client qui consomme le produit hôtelier d’une unité d’hébergement peut devoir payer une taxe spécifique au montant de 2,00$, 3,00$ ou 3,50$ par nuitée pour chaque unité ou un taux de soit 3%, soit 3,5% sur la valeur de la contrepartie reçue par nuitée.

La qualification de ce qui constitue un « établissement d’hébergement » sera abordée prochainement.

En effet, jusqu’à récemment, les chambres louées par l’entremise de la plateforme Airbnb échappaient à une telle qualification. Ainsi, par rapport à la concurrence, un locateur Airbnb était fiscalement avantagé. Afin d’éviter le mépris du secteur de l’hébergement touristique au Québec, le gouvernement québécois a adopté la Loi Airbnb.

ii) Le caractère illégal

À cette étape de notre analyse, abordons l’origine de la « loi du 31 jours ». Dans les faits, il ne s’agit pas vraiment d’une loi, mais de l’article premier (1er) du Règlement sur les établissements d’hébergement touristique (chapitre E-14.2) (ci-après le « Règlement ») dont le premier alinéa se lit comme suit :

« Constitue un établissement d’hébergement touristique tout établissement exploité par une personne qui offre en location à des touristes, contre rémunération, au moins une unité d’hébergement pour une période n’excédant pas 31 jours. En sont exclues les unités d’hébergement offertes sur une base occasionnelle. »

Toutefois, tel qu’indiqué à la dernière phrase de cet alinéa, il existe une exception pour les unités d’hébergement offertes sur une base occasionnelle. Des événements exceptionnels, tels les « concerts de U2, en 2011, qui ont attiré des milliers de visiteurs à Montréal »[4], constituent, en l’occurrence, un exemple de « base occasionnelle ».

Ainsi, un logement est susceptible d’être considéré comme un établissement d’hébergement touristique lorsque la période de sa location est inférieure à 31 jours. À noter qu’au préalable, conformément au premier (1er) alinéa de l’article 6 de la Loi, le locateur doit détenir une attestation de classification lui permettant d’exploiter un établissement d’hébergement. Conséquemment, un locateur qui exerce une telle activité sans attestation œuvre illégalement.

En contrepartie, au-delà de la période de 31 jours, la location cesse d’être touristique et retrouve sa qualification traditionnelle. Désormais, la compétence est transmise à la Régie du logement, sous réserve de certaines exceptions[5].

C.  Les enjeux pour le locateur/propriétaire

À prime abord, il ne faut pas perdre de vue que le processus de sélection d’un locataire sous-tend une vérification importante de la part son locateur. En effet, ce dernier devra s’assurer que le locataire envisagé est en mesure de remplir ses obligations financières et qu’il comporte les qualités nécessaires pour entretenir minimalement une relation harmonieuse avec les autres locataires de l’établissement.

Reprenons l’exemple abordé en guise d’introduction dans lequel le locateur et/ou propriétaire d’une unité se rend compte que son locataire sous-loue le logement par le biais de Airbnb à des touristes pour une période inférieure à 31 jours. Cette sous-location peut lui poser certains ennuis, dont :

a) Des plaintes de visiteurs bruyants[6];

b) Le non-respect de l’obligation du locataire d’informer son locateur d’une sous-location et d’obtenir, par conséquent, son consentement (art. 1870 C.c.Q.);

c) À force de répéter l’activité de sous-location, l’usage de l’immeuble loué risque d’être modifié et devenir de nature commerciale[7];

d) Un tel changement d’usage a des conséquences quant à la responsabilité civile du propriétaire qui aura l’obligation d’informer sa compagnie d’assurances. En effet, selon l’art 11.1 du Règlement :

« Le titulaire d’une attestation de classification doit être détenteur, durant toute la période de validité de son attestation, d’une assurance de responsabilité civile d’au moins 2 000 000 $ par événement couvrant les risques liés à l’exploitation de l’établissement d’hébergement touristique, sauf si l’exploitant est le gouvernement ou un organisme public. »

Ceci étant dit, le locateur et/ou le propriétaire n’est pas dépourvu de recours. Bien qu’il existe peu de décisions sur ce sujet, l’état actuel de la jurisprudence semble clairement définir la position contemporaine de la Régie du logement relativement à l’usage d’une plateforme de location telle que Airbnb. En effet, selon les circonstances, un contrat de location conclu entre deux parties sur la plateforme Airbnb n’est pas toujours considéré comme un bail de logement par la Régie du logement.

Suite à l’analyse de la jurisprudence, les cas suivants consistent en des exemples de cas où la Régie du logement n’a pas considéré que le bail fut résidentiel.

1. Lorsque le locateur est au courant de l’intention du locataire de sous-louer son logement par le biais du site de Airbnb 

Dans une décision rendue par la Régisseure Francine Jodoin datant du 12 mai 2015, la Régie du logement se déclare incompétente à l’égard d’une situation où le locateur fut approché par un locataire désirant lui-même exploiter une activité commerciale en relouant les appartements à des tiers. Dès le départ, le locataire a mentionné « que sa principale occupation consiste à exercer l’activité commerciale de louer des logements meublés à des étudiants étrangers ou pour des séjours de courte durée par l’intermédiaire de sites spécialisés (ex : airbnb) »[8].

La juge administrative fut l’avis que l’entente conclue n’était pas un bail de logement puisque les parties « se sont associées dans une entreprise visant ultimement à rentabiliser l’usage d’un local d’habitation »[9], et que le locateur a abandonné « son droit à la location des logements à un tiers qui agit, pour son compte dans le but de relouer à un tiers à profit »[10].

Cela dit, compte tenu de l’absence de la compétence de la Régie, lorsque le locateur est au courant de telles activités, la Régie du logement ne peut pas intervenir si le locataire fait défaut de payer son loyer au locateur. Dans de tels cas, il faudra recourir aux tribunaux de droit commun.

Basant notre analyse sur le raisonnement de la Régie du logement dans le jugement mentionné ci-haut, nous sommes d’opinion que si le locateur n’est pas au courant des activités du locataire, la Régie aurait compétence et pourrait intervenir puisque le contrat conclu entre le locataire et le locateur serait bel et bien un bail de logement.

2. Lorsque le locateur ignore l’intention du locataire de sous-louer le logement sur le site de Airbnb

Dans une décision du Régisseur Éric Luc Moffatt datant du 7 juillet 2015, la Régie du logement s’est penchée sur la question d’inconvénients causés par « l’hébergement à but lucratif de touristes étrangers »[11]. Les troubles allégués dans la demande du locateur ayant toutefois cessés, le juge administratif n’a pas pu « conclure à l’existence d’un préjudice sérieux qui justifie la résiliation du bail »[12].

Néanmoins, le juge administratif soumet que « si l’activité dénoncée se produisait à nouveau à savoir, l’hébergement à but lucratif de touristes étrangers, le Tribunal pourrait alors en arriver à une autre conclusion selon la preuve qui lui serait alors soumise »[13].

Ainsi, nous sommes d’avis que si les voisins se plaignent à maintes reprises auprès du locateur quant au comportement troublant des sous-locataires, ce dernier peut s’adresser à la Régie du logement pour obtenir la résiliation du bail et pour les évincer de son unité.

3. La défense du locataire : l’article 1900 C.c.Q.

Lorsque le locateur veut limiter le nombre d’occupants ayant accès au logement moyennant une clause à cet effet dans le bail, le locataire qui sous-loue le logement par le biais du site de Airbnb peut soulever l’article 1900 C.c.Q. qui prohibe spécifiquement ce type de clause.

L’article 1900 C.c.Q. se lit comme suit :

Est sans effet la clause qui limite la responsabilité du locateur, l’en exonère ou rend le locataire responsable d’un préjudice causé sans sa faute.

Est aussi sans effet la clause visant à modifier les droits du locataire en raison de l’augmentation du nombre d’occupants, à moins que les dimensions du logement n’en justifient l’application, ou la clause limitant le droit du locataire d’acheter des biens ou d’obtenir des services de personnes de son choix, suivant les modalités dont lui-même convient.

Toutefois, il faut se rappeler qu’en vertu de l’article 1870 C.c.Q., le locataire qui sous-loue son logement est tenu d’aviser le locateur de son intention, de lui indiquer le nom et l’adresse de la personne à qui il entend sous-louer ledit logement ou céder le bail et d’obtenir son consentement à la sous-location.

D.  Réforme du paysage juridique : le projet de loi nº 67

1. Survol des changements significatifs

En date du 2 décembre 2015, l’Assemblée nationale du Québec a sanctionné le projet de loi nº 67 intitulé la Loi visant principalement à améliorer l’encadrement de l’hébergement touristique et à définir une nouvelle gouvernance en ce qui a trait à la promotion internationale. Celle-ci est entrée en vigueur le 15 avril 2016.

Selon les propos de la ministre du Tourisme[14], la Loi Airbnb, en modifiant la Loi, vise les objectifs suivants :

  • Définir la notion de tourisme;
  • Préciser le pouvoir du ministère du Tourisme quant à la délivrance d’une attestation de classification ;
  • Permettre au ministre de déléguer ses responsabilités liées à l’annulation et à la suspension d’une attestation de classification;
  • Prévoir des dispositions aux fins d’enquête; et
  • Réviser le régime pénal de la Loi.

En contrepartie, la Loi Airbnb modifie également la Loi sur le ministère du Tourisme afin de :

  • Permettre au ministre la possibilité de confier certaines fonctions à un organisme reconnu; et
  • Permettre au ministre de déterminer la finalité des sommes versées aux associations touristiques régionales.

Tel que mentionné ci-haut, cette loi améliore le cadre législatif de l’hébergement touristique en apportant des modifications à la Loi et la Loi sur le ministère du Tourisme.

a.    Élargissement de la définition de « touriste »

L’article premier (1er) de la Loi Airbnb élargit la définition du terme « touriste » pour inclure :

« une personne qui fait un voyage d’au moins une nuit et d’au plus un an, à l’extérieur de la municipalité où se trouve son lieu de résidence, à des fins d’agrément ou d’affaires ou pour effectuer un travail rémunéré, et qui utilise des services d’hébergement privé ou commercial ».

Néanmoins, quant aux définitions, une lacune importante persiste dans la nouvelle loi. Le législateur n’a pas saisi l’opportunité pour définir les paramètres de ce qui constitue la location d’un logement sur une base qui n’est pas occasionnelle, tel qu’il appert au premier article du Règlement. À travers la pratique et les constations des inspecteurs du Ministère[15], les critères d’une location occasionnelle seront éclaircis.

D’autant plus, selon la ministre du Tourisme, la Loi Airbnb vient clarifier ce qu’est un hébergement touristique par l’introduction des notions de « régulière » et « publique »[16].

b.    Assujettissement à la Loi sur la taxe de vente du Québec

En vertu du deuxième (2e) article de la Loi Airbnb, qui modifie l’article 6 de la Loi, tout établissement d’hébergement touristique requerra l’obtention d’une attestation de classification. Cela fait en sorte que l’établissement en question devra « percevoir la taxe spécifique sur l’hébergement au même titre que les hôtels »[17]. Rappelons-nous que cette obligation fiscale découle de l’article 541.24 de la Loi sur la taxe de vente du Québec.

c.     Obtention de l’attestation de classification

Dorénavant, la Loi Airbnb facilite le processus d’une demande d’attestation de classification d’un établissement d’hébergement touristique.

i)     Processus de la demande

Les étapes pertinentes de ce processus sont les suivantes :

Étapes Description
1) Présentation de la demande

 

La personne qui exploite l’établissement d’hébergement touristique doit présenter la demande (article 2 de la Loi Airbnb qui modifie l’article 6 de la Loi).

 

Les renseignements qui doivent se retrouver dans la demande sont énumérés aux articles 10 et 10.1 du Règlement.

 

2) Vérification de la conformité de l’établissement avec la réglementation municipale d’urbanisme

 

Le ministère est responsable de cette vérification (article 3 de la Loi Airbnb qui insère le nouvel article 6.1 dans la Loi).

 

De ce fait, cette obligation ne repose plus sur les épaules de celui qui présente la demande.

 

3) Établissement des critères de la classification de l’établissement

 

Un organisme reconnu par le ministre est chargé de la classification (article 7 al.1 de la Loi) et l’établissement des critères (article 7 al.2 de la Loi).

 

4) Délivrance de l’attestation de classification Le ministre doit délivrer l’attestation (article 8 de la Loi).

De surcroit, selon l’article 9 de la Loi, la période de validité d’une attestation est normalement de 24 mois, mais celle-ci est sujette au changement, dépendamment du cas.

Notons que le ministre peut refuser de délivrer une attestation si les conditions prescrites par la Loi et ses règlements ne sont pas remplies, conformément à l’article 5 de la Loi Airbnb qui modifie l’article 11 de la Loi.

ii)      Les frais exigibles à toute demande d’attestation de classification

L’organisme reconnu par le ministre, chargé de la classification de l’établissement, est également responsable de l’établissement des frais exigibles (article 7 al.2 de la Loi et article 10.3 du Règlement).

iii)    Délai de l’émission de l’attestation de classification

Quoique la loi ne précise pas une échéance précise quant à l’émission d’une telle attestation, elle nous fournit néanmoins certains repères temporels.

Ainsi, au deuxième (2e) alinéa de l’article 6.1 de la Loi, inséré par l’article 3 de la Loi Airbnb, la municipalité doit informer le ministre, dans les 45 jours de l’avis, si l’usage projeté de l’établissement est conforme avec la réglementation municipale d’urbanisme.

De plus, selon l’article 8 al.2 de la Loi, le ministre peut délivrer une attestation provisoire en attendant l’achèvement du traitement de la demande.

Finalement, selon l’article 11 al. 1 du Règlement, « toute nouvelle demande doit être produite 2 mois avant la date d’expiration de l’attestation de classification ».

d.  Les amendes

En ce qui a trait aux amendes applicables, l’article 17 de la Loi Airbnb prévoit que l’article 38 de la Loi est remplacé par ce qui suit :

« 38. Quiconque exploite un établissement d’hébergement touristique, ou donne lieu de croire qu’il exploite un tel établissement, à l’égard duquel la délivrance d’une attestation de classification a été refusée ou dont l’attestation de classification est suspendue ou a été annulée commet une infraction et est passible d’une amende de 5 000 $ à 50 000 $, s’il s’agit d’une personne physique, et de 10 000 $ à 100 000 $, dans les autres cas. »

De plus, ce même article 17 a également remplacé l’article 39 de la Loi par ce qui suit :

« 39. Les montants minimal et maximal des amendes prévues par la présente loi sont portés au double pour une première récidive et au triple pour toute récidive additionnelle.»

De ce fait, le montant des amendes et particulièrement celles des récidivistes, a grimpé substantiellement. Auparavant, la Loi prévoyait, au deuxième (2e) alinéa de l’article 38, une amende qui variait entre 750 $ et 2 250 $ pour une première infraction et entre 2 250$ et 6 750$ pour une infraction subséquente.

En somme, la mise en œuvre des changements apportés par la Loi Airbnb mettra l’accent sur l’efficacité.

E.  Conclusion

Le phénomène Airbnb constitue une problématique récente qui soulève des questions intéressantes au plan juridique, politique et fiscal ainsi qu’au niveau du domaine du tourisme et de l’hôtellerie.

Afin de contextualiser la crainte du secteur hôtelier, il convient de la comparer avec celle de l’industrie du taxi. Les chauffeurs s’opposent avec véhémence à l’expansion de l’entreprise Uber qui offre un service de transport similaire. Conformément à l’article 4 de la Loi concernant les services de transport par taxi, les chauffeurs de taxi nécessitent l’obtention d’un permis de propriétaire de taxi pour l’exercice de cette activité.

Avec l’émergence constante de sites web offrant une plateforme similaire à celle de Airbnb, nous prévoyons que le recours à ce type de location deviendra plus courant dans les années à venir. Conséquemment, les locateurs/propriétaires et leurs locataires se retrouveront dans des situations tendues dont la résolution définira le cadre juridique applicable.

Pour conclure sur le sujet, certains praticiens sont d’opinion que le processus de l’obtention de l’attestation de classification devra absolument inclure l’approbation du propriétaire de l’immeuble. Cette position est notamment défendue par l’Association des propriétaires de Québec[18]. Nous sommes plutôt de l’avis que l’obligation de d’obtenir une attestation s’apprécie dans chaque situation. À cet effet, nous envisageons les scénarios suivants :

1) Le locateur et/ou le propriétaire

i) Le locateur et/ou le propriétaire donne son consentement pour la location sur la plateforme de Airbnb

Cette situation représente l’idéal pour les relations contractuelles des deux parties. En autant que les taxes d’hébergement sont défrayées et qu’un permis est attribué, le tout est en conformité avec la Loi Airbnb.

ii) Le locateur et/ou le propriétaire n’est pas informé de la location sur la plateforme de Airbnb

Cette situation est problématique. Imaginons un cas où le locateur encaisse normalement le loyer qui lui est dû. Bien qu’il ne reçoive aucune plainte de la part des voisins, son locataire utilise, sans qu’il le sache, la plateforme Airbnb afin de sous-louer l’unité qu’il occupe à des touristes. Toutes les parties sont satisfaites jusqu’à ce que le locateur apprenne que son locataire participe à une telle activité. Le locataire, en générant un revenu considérable, met le locateur dans une situation économiquement désavantageuse.

Face à cette situation, le locateur désire s’informer sur la possibilité de résilier le bail. Sur quelle base juridique pourrait-il se fier afin d’obtenir la résiliation dudit bail? Cette situation constitue-t-elle un préjudice? Si tel est le cas, celui-ci est-il justifié de résilier ledit bail ?

Afin d’éviter une telle situation, nous sommes d’avis qu’il est préférable que tout contrat de bail prévoit une clause, dans une annexe au bail, qui détermine les paramètres concernant l’intention du locataire d’utiliser Airbnb comme plateforme de location.

2) Le locataire/sous-locateur de Airbnb

Le locataire qui remplit les formalités requises par la loi, a-t-il l’obligation d’obtenir l’accord de son locateur?

Tout dépend si une transaction sur la plateforme de Airbnb équivaut à une sous-location. Si tel est le cas, selon l’article 1870 du C.c.Q., un locataire qui souhaite sous-louer doit aviser son locateur de son intention.

Par ailleurs, le critère du « motif sérieux », codifié à l’article 1871 C.c.Q., permet-il au locateur de refuser de consentir à la sous-location du logement ? Les tribunaux devront trancher la question.

La Loi Airbnb répond à plusieurs appréhensions générées par sa plateforme ainsi qu’aux craintes des commerçants œuvrant dans l’industrie hôtelière. Il ne reste qu’à voir l’interprétation des tribunaux concernant les questions juridiques qui n’ont pas encore été traitées par la jurisprudence actuelle.

[1] Jason Campbell, « Airbnb’s New $1 Billion Funding Would Value It At $20 Billion », Skift, 28 février 2015, en ligne: <http://skift.com/2015/02/28/airbnbs-new-1-billion-funding-would-value-it-at-20-billion/> (consulté le 27 avril 2016).

[2] Québec, Assemblée Nationale, Journal des débats de la Commission de l’économie et du travail, 1re sess., 41e légis., 4 novembre 2015, « Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 67, Loi visant principalement à améliorer l’encadrement de l’hébergement touristique », 11h30 (M. Gret).

[3] Rémi Leroux, « Louer son chalet pour l’été, c’est légal? », Protégez-Vous, 30 mai 2013, en ligne : < http://www.protegez-vous.ca/affaires-et-societe/appartement-a-louer-pour-80-dollars-la-nuit.html > (consulté le 15 avril 2016).

[4] R. Leroux, préc., note 3.

[5] Id.

[6] Argent, « Airbnb dans la mire des proprios d’appartements », Le Journal de Montréal, 20 août 2015, en ligne : < http://www.journaldemontreal.com/2015/08/20/airbnb-dans-la-mire-des-proprios-dappartements > (consulté le 8 avril 2016).

[7] Achard c. Laberge-Ayotte, 2015 QCRDL 15312.

[8] Id., par. 7.

[9] Achard c. Laberge-Ayotte, préc., note 7, par. 61.

[10] Id., par. 59.

[11] Yang c. Roy, 2015 QCRDL 21808, par. 10.

[12] Id., par. 9.

[13] Id., par. 10.

[14] Québec, Assemblée Nationale, Journal des débats de l’Assemblée nationale, 1re sess., 41e légis., 22 octobre 2015, « Projet de loi n° 67 », 10h40 (Mme Vien).

[15] Marc-André Séguin, « Un nouveau cadre pour l’hébergement touristique », (2015) 47 J. du. Bar. 26.

[16] Québec, Assemblée Nationale, Journal des débats de la Commission de l’économie et du travail, 1re sess., 41e légis., 4 novembre 2015, « Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 67, Loi visant principalement à améliorer l’encadrement de l’hébergement touristique », 11h00 (Mme Vien).

[17] M.-A. Séguin, préc., note 15.

[18] M.-A. Séguin, préc., note 15.

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